Les grands noms de l’art de la gastronomie : Jules Gouffé
Éditorial et humeur - 01 janv. 19
Pour respecter l’ordre chronologique de cette série, venons-en à Martin-Jules Gouffé, né en 1807 à Paris, découvert par Antonin Carême, qui l’a formé et avec qui il a travaillé sept ans durant. Les pièces montées de son père, puis les siennes avaient fait précisément l’admiration d’Antonin Carême. Il a influencé les chefs cuisiniers du XXe siècle (dont Bernard Loiseau) et les chercheurs en cuisine moléculaire qui se réfèrent souvent à lui, comme Thierry Marx. Il a aussi conçu le livre de cuisine tel qu’on le publie désormais depuis la fin du XIXe siècle.
C’est à l’ambassade d’Autriche qu’Antonin Carême fait de Jules Gouffé son disciple. Il en fit un ouvrier modèle, une célébrité de l’époque. De 1840 à 1855, Jules Gouffé s’établit rue du Faubourg-Saint-Honoré comme pâtissier et y acquiert sa notoriété. Puis, il devient le cuisinier de l’empereur Napoléon III. En 1867, il devient officier de bouche au Jockey Club, comme le lui ont suggéré Alexandre Dumas et le baron Brisse.
L’horloger de la gastronomie
Il suit la vague d’innovations de la fin du XIXe siècle, dans la foulée du baron Haussmann qui transforme Paris ou d’Offenbach qui décoiffe la musique.
Jules Gouffé, lui, devient le chef d’orchestre d’une cuisine innovante, poussée par l’essor scientifique de la seconde moitié du XIXe siècle.
Sous sa baguette, tout est contrôlé, précis, minuté à la seconde, pesé au gramme, cuit au degré. Il met la technicité au service du produit. Il donne le poids des ingrédients et le minutage de la préparation, ce qui, avant lui, n’était pas habituel.
Jules Gouffé a aussi élaboré un plat quotidien avec la plus grande rigueur, comme l’œuf à la coque : dans une casserole d’une contenance de deux litres, mettez 1,5 litre d’eau. Faites bouillir et au premier bouillon, déposez les œufs au fond de l’eau. Couvrez la casserole et laisser sur le feu 1 minute. Retirez la casserole du feu et attendez 5 minutes à gradient descendant (autrement dit l’eau refroidit toute seule doucement). Sortez les œufs de l’eau et ouvrez-les pour les servir tièdes.
“Le Livre de cuisine”
Son ouvrage, Le Livre de cuisine, reste la référence absolue des chefs actuels. Gouffé le rédige en deux parties.
La première est destinée à la cuisine des ménages, “sans complications d’aucun genre” et met les recettes “à la portée des débutants et des apprentis”.
L’autre est consacrée aux “extras”, c’est-à-dire à la grande cuisine, avec “tous ses développements et ses perfectionnements”. Il y donne des notions sur les ustensiles et les appareils utilisés en cuisine, y indique les quantités de denrées et les temps de cuisson.
Il fait réaliser dessins et planches dans un but d’enseignement, pour être bien compris : “Je n’ai pas rédigé une seule de mes indications élémentaires sans avoir constamment l’horloge sous les yeux et la balance à la main. Je m’empresse d’ajouter qu’on n’est pas obligé d’avoir constamment recours, dans la pratique, à ces moyens de vérification absolue, du moment où l’on est devenu un ouvrier habile et consommé. Mais lorsqu’il s’agit de formuler pour les personnes qui n’ont pas encore de connaissances acquises, je déclare qu’on ne saurait procéder d’une façon trop rigoureuse.”
Par la conception même de l’ouvrage, Gouffé a innové en matière de livre de cuisine. Il y inclut parmi plus de 500 recettes, quelques-unes communiquées par des confrères, notamment par son frère Alphonse, officier de bouche à la cour d’Angleterre.
Le Livre de cuisine est ensuite publié en anglais sous le titre The Royal Cookery Book.
“Le Livre de pâtisserie”
Cet ouvrage fait suite au Livre de cuisine. Il est l’un des livres les plus prisés de la fin du XIXe siècle. Témoin d’une époque fastueuse, il traite à la fois des desserts quotidiens et des entremets prestigieux. Remarquable par le nombre des recettes et leur détail.
Précurseur en la matière, Gouffé s’est attaché toujours à donner les quantités et les durées de cuisson et ce livre a marqué un tournant important dans l’évolution de l’art pâtissier. Il fut utilisé par de nombreuses générations.
Retiré à la Charité-sur-Loire, celui que l’on surnommait “l’apôtre de la cuisine décorative”, succomba, le 28 février 1877, à une apoplexie causée par le froid, en se rendant, pour faire honneur à l’art culinaire, à Paris, où il était invité à l’exposition d’alimentation du Palais de l’industrie, comme membre du jury.
Réécouter
• L’Histoire à la carte : Jules Gouffé, l’horloger de la gastronomie par Thierry Marx, le 1er juillet 2018, sur France Info.
Bibliographie
• Le Livre de cuisine (1867)
• Le Livre de pâtisserie (1872)
• Le Livre des conserves (1872)
• Le Livre des soupes et des potages (1875)
Ces ouvrages, régulièrement réédités, sont en vente sur Amazon, Babelio ou la Fnac.
1 commentaires
Julien EM 21 févr. 19
J’apprécie cet article historique, merci du partage !