Auguste Escoffier, inventeur de la poire Belle-Hélène, grand tabellion de recettes, a été le premier cuisinier à être élevé au rang d’officier de la Légion d’honneur. (Illustration : Artelette)

Les grands noms de l’art de la gastronomie : Auguste Escoffier

Éditorial et humeur - 14 mars 19

Auguste Escoffier, né à Villeneuve-Loubet le 28 octobre 1846, a modernisé et codifié la cuisine raffinée de Marie-Antoine Carême. Il a créé de nombreuses recettes dans beaucoup de grands établissements et a internationalement fait connaître la cuisine française. Les générations suivantes ont été influencées par ses ouvrages culinaires. Par ailleurs, il a développé le concept de brigade de cuisine, en rationalisant la répartition des tâches et en veillant à l’image du cuisinier : propre, méticuleux, non-buveur, non-fumeur, ne criant pas. Le plus célèbre de son temps, ce chef fut le premier cuisinier à être élevé au rang d’officier de la Légion d’honneur. (cliquez pour lire la suite)

La grand-mère d’Auguste Escoffier était un fin cordon bleu, trois de ses oncles et sa tante travaillent dans la restauration. Mais son père, Jean-Baptiste Escoffier, était forgeron, maréchal-ferrant, serrurier et fabricant d’outils aratoires.
Il poursuivit son apprentissage à Paris, puis à nouveau à Nice et à Monte-Carlo.

De la poire Belle Hélène…

À treize ans, Auguste Escoffier, qui rêvait de devenir sculpteur, fut placé en apprentissage comme marmiton au Restaurant français, chez l’un de ses oncles. Il y a aussi appris à confire les fruits chez un voisin pâtissier, avant de continuer son apprentissage à Paris. Vers 1864, il aurait inventé la poire belle Hélène, ainsi nommée d’après l’opéra bouffe d’Offenbach, La Belle Hélène, dessert à base de poires pochées dans un sirop et nappées de chocolat chaud.

À 19 ans, il fut engagé au Petit Moulin rouge, cabaret mondain, avenue Franklin-D.-Roosevelt. Il décida alors de devenir chef de brigade d’un grand restaurant et de présenter ses plats à ses hôtes de marque, notamment pour l’exposition universelle de Paris en 1867. Il inventa de nouveaux plats et les dédia aux convives célèbres comme la salade Eugénie, en l’honneur de l’impératrice, ou la coupe Blanche D’Antigny et les noisettes d’agneau Cora Pearl, en l’honneur de ces deux célèbres demi-mondaines, les fraises Sarah Bernhardt, la timbale Garibaldi ou le suprême de poulet George Sand.

Au début de la guerre franco-prussienne de 1870, il futt nommé chef de cuisine, d’abord au quartier général de l’Armée du Rhin, à Metz, puis au Quartier-général de Patrice de Mac Mahon, prisonnier à Wiesbaden. Son expérience à l’armée lui a appris à utiliser les restes, à inventer des recettes pour varier la présentation de la viande de cheval qu’on mangeait en pot-au-feu ou braisé (pour laisser le bœuf aux malades). Ce qui l’a amené à étudier la technique de la conserverie alimentaire.

En 1876, il acheta un commerce de comestibles à Cannes, Le Faisan doré, et y a ajouté une salle de restaurant pour l’hiver.
Il se maria le 15 août 1878 et, après avoir cédé son commerce, il prit la direction de la Maison Chevet, à Paris, qui organisait de grands dîners, y compris en province et à l’étranger (Allemagne, Royaume-Uni, etc.), de la fin de 1878 au début de 1884.

… à la collaboration avec César Ritz

Dans les années 1880 à 1890, grâce au développement du chemin de fer et à la construction de grands hôtels, Auguste Escoffier partageait son temps entre Paris et Cannes. À partir de 1884, il séjournait à Monte-Carlo, l’hiver, comme chef de cuisine au Grand Hôtel, dirigé par César Ritz, et, l’été, à Lucerne où il règnait au Grand Hôtel national.

La collaboration d’Escoffier et de Ritz entraîna la création de l’hôtellerie de grand luxe fréquentée par l’aristocratie européenne et les plus célèbres artistes.
La salle à manger des hôtels devient le lieu à la mode où l’on exhibait ses toilettes et la table personnalisée remplaçait la table d’hôte.

En 1890, il a dirigé les cuisines de l’Hôtel Savoy de Londres. C’est là qu’Escoffier aurait servi au prince de Galles des crêpes qu’il pensait lui dédier, mais le futur Edouard VII lui répondit : “Je n’en suis pas digne. Nous donnerons à cette chose merveilleuse le nom de cette jeune personne qui est avec moi.” Ainsi furent baptisées les crêpes Suzette. Malgré la répulsion des Anglais pour les cuisses de grenouilles, il les présenta sous le nom de “cuisses de nymphe”.
Il créa encore le suprême de volaille Jeannette, la bombe Néro (glace au chocolat et meringue moulée dans une demi-sphère) et la pêche Melba en 1893, dédiée à une cantatrice Nellie Melba, qui avait triomphé dans Lohengrin, de Richard Wagner.
Il y a inventé les menus à prix fixes pour quatre personnes et promeut des produits qu’il faisait venir de France, comme les asperges vertes d’Avignon.
Mais il veillait aussi à ce que les Petites sœurs des pauvres récupèrent chaque matin la nourriture gaspillée ou à peine défraîchie (marc de café, feuilles de thé, pain de parure, voire cailles, qui avaient été servies aux soupers de la veille et auxquelles il ne manquait que les blancs, etc.).
En 1897, César Ritz et Escoffier furent renvoyés du Savoy : Ritz et le maître d’hôtel ont été accusés de la disparition de vins et spiritueux, et Escoffier d’avoir perçu des pots-de-vin de fournisseurs.

En 1898, Escoffier installa les cuisines révolutionnaires de l’hôtel que la Ritz Development avait fait construire à Paris. Il les dirigea et, l’année suivante, il retourna à Londres installer celles du Carlton où il est resté jusqu’en 1920.
Il y dirigeait une brigade de 60 cuisiniers, perfectionna son organisation pour servir 500 couverts à chaque repas.

Le roi des cuisiniers, le cuisinier des rois

Outre toutes ses fonctions, Escoffier publia des livres, composa les brigades de cuisine de nombreux hôtels dans le monde, comme le Ritz de Londres, aménagea les cuisines des paquebots de la Hamburg America Line.
En 1906, l’empereur d’Allemagne Guillaume II aurait dit à Escoffier : “Moi, je suis l’empereur d’Allemagne, mais vous, vous êtes l’empereur des cuisiniers !”, phrase largement reprise, mais dont l’origine serait douteuse.

En 1911 naquit le Carnet d’Épicure, revue fondée à Londres pour contribuer au développement touristique de la France. La Première Guerre mondiale y mis fin en août 1914.
En 1912, les menus des Dîners d’Épicure, destinés à faire connaître la cuisine française, étaient dégustés le même jour dans différents endroits. Le premier repas réunit plus de 4 000 convives dans le monde et le dernier, en juin 1914, dans 147 villes pour 10 000 personnes. Son fils cadet mourut en service actif pendant la Première Guerre mondiale.

Officier de la Légion d’honneur

Le 11 novembre 1919, Auguste Escoffier reçut la Légion d’honneur et, en 1928, devint le premier cuisinier promu officier de cet ordre ; d’autres pays, dont l’Angleterre, l’ont aussi honoré et, en 1923, il reçut la croix du Dannebrog, octroyée par les souverains du Danemark.

En 1920, il quitta le Carlton et l’Angleterre pour rejoindre sa famille à Monte-Carlo où il rédigea ses souvenirs, des articles, des recettes.
En 1922, il a collaboré avec la firme Maggi et conseillait les produits aux maîtresses de maison. Il rédigea la préface du Larousse gastronomique, qui parut en 1938.

Auguste Escoffier mourut à Monte-Carlo le 12 février 1935, deux semaines après son épouse Delphine et fut enterré dans le caveau familial de Villeneuve-Loubet.

Pensez-y…

• Escoffier, roi des cuisiniers, aux éditions Glénat, novembre 2018,128 pages. 19,50 euros.
La vie d’Auguste Escoffier en bande dessinée, scénarisée par Rutile, avec les dessins de Frédéric Charve (mis en couleur par Joëlle Comtois, avec Valérie Martineau et Amélie Dumas).
Préface de Michel Roth, meilleur ouvrier de France, et Bocuse d’or.

• L’Aide-Mémoire culinaire, préfacé par Michel Escoffier, aux éditions Flammarion.
360 pages, 15,50 euros.
Un livre introuvable jusqu’à sa réédition en 2006.

Outre les recettes rédigées par Auguste Escoffier, il conçut son célèbre aide-mémoire en 1919, réédité en 2006 par Flammarion et préfacé par son arrière-petit-fils Michel Escoffier.
Cet ouvrage très utile répertorie l’essentiel des ingrédients et comment traditionnellement les accommoder. Sans préciser les quantités ni durées, ce n’est qu’un aide-mémoire pour cuisiniers accomplis.

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